L’art de la joie, de Goliarda Sapienza

Le roman qui a permis à Goliarda Sapienza de se faire connaître dans le monde de la littérature, et d’y prendre la place qu’elle mérite.

Par Laura Paoletti

Ce livre m’a été conseillé par une amie, peut-être a-t-elle elle aussi été conseillée par quelqu’un d’autre. Par une amie probablement, qui sait.

Et moi, à mon tour, je l’ai conseillé à une autre femme.

L’art de la joie (L’arte della gioia), qui a mis du temps à se faire connaître, à se faire reconnaître, a dû commencer son parcours comme ça. Par le bouche-à-oreille. Et très probablement, de femme en femme.

Pourtant, L’art de la joie est un chef d’œuvre.

L'arte della gioia - Goliarda SapienzaOn trouve entre ses pages un destin entier, ou mieux, deux destins : celui d’un siècle et celui d’une femme. C’est presque un organisme vivant, les contractions de ses nerfs vont au rythme des contradictions des années 1900.

Son squelette est l’esprit même de la protagoniste, Modesta. On s’y accroche, elle nous porte.

La force de cette figure ne se laisse pas analyser facilement, c’est plutôt quelque chose que l’on ressent de l’intérieur, qui nous nourrit.

On ne vit pas à travers elle, comme à travers n’importe quel héros de roman ; c’est elle qui vit et revit par le lecteur, qui s’approprie ses émotions et son mental, et en fait ce qu’elle veut ou plutôt ce qu’elle doit en faire.

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Modesta naît le 1er janvier 1900 ; de là son enfance, puis son adolescence, ses amours, l’âge adulte.

Autour d’elle, la Sicile, l’Italie et l’Europe, pour traverser la politique, le militantisme, les deux grandes guerres, les générations qui se suivent, la psychanalyse, les gros changements technologiques et intellectuels.

Et puis, toute une farandole de personnages, presque sortis d’une fable, où des traits extraordinaires se mélangent à des traits monstrueux, entre autres : Beatrice, appelée Cavallina, sa sœur d’âme ; Ippolito, le jeune prince enfermé dans le grenier ; la Principessa, la vieille duchesse qui l’accueille ; Carmine, l’homme brutal et son premier amour ; ses cinq enfants : Bambolina, Prando, N’toni, Mela et Jacopo.

Goliarda Sapienza, l’autrice du livre, a appelé sa protagoniste Modesta, qui signifie simplement modeste. Acte ironique et en même temps véridique, les deux choix interprétatifs tiennent.

Certains voient dans ce personnage le double narratif de Sapienza ; mais peut-être que quand une figure comme celle-ci apparaît (au monde comme dans des pages), elle est destinée à n’être l’alter ego de personne. Modesta est.

Avec, mais aussi au-delà de son autrice.

Cesare Garboli, dans la postface de l’édition d’Einaudi, définit ce livre comme « un lieu où l’on peut rester ».

Donc trouver de l’espace pour entrer dans ce lieu littéraire est un vrai cadeau que parfois l’on se doit à soi-même.

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