Voyage parmi les revues littéraires indépendantes italiennes

C’est le terrain d’essai où ont fait leurs premières armes des écrivains et des écrivaines qui sont par la suite arrivés dans les librairies.

Par Matilde Quarti

 

Nuovi argomenti, La Bibliothèque italienne.jpg

S’il y a bien un « mouvement » peu connu – quoique très dynamique dans le milieu de l’édition italienne –, c’est celui des revues littéraires indépendantes, voire autoproduites.

Ce sont des revues créées par des rédactions qui cherchent sans cesse de nouvelles voix, en s’inspirant des modèles célèbres, tels que Nuovi Argomenti, la mémorable revue de Mondadori, ou encore, en ébranlant les paradigmes littéraires par de nouvelles expérimentations.

Il s’agit d’une faune éditoriale qui a longtemps représenté l’esprit le plus sincères d’un secteur qui se trouve actuellement aux prises avec bien de difficultés ; c’est le terrain d’essai où ont fait leurs premières armes des écrivains et des écrivaines qui sont par la suite arrivés dans les librairies.

Malgré le jeune âge de leurs auteurs et le caractère amateur des premiers projets, il s’agit d’expressions vertueuses, où les compétences éditoriales et le soin apporté à la production s’avèrent primordiaux pour la longévité et le succès de la revue.

Colla, revues litteraire- La Bibliothèque italienne.jpgColla, par exemple, créée par Marco Gigliotti et Francesco Sparacino, a atteint le vingt-troisième numéro et elle a publié, à côté de débutants, des auteurs tels que Christian Raimo, Giusi Marchetta et Gianluca Morozzi. En ce qui concerne le choix des textes à publier, la revue compte surtout sur les offres qui lui arrivent de manière spontanée, mais il arrive aussi que la rédaction contacte les écrivains.

Argo, revue qui joint le genre narratif à la poésie et à la critique, est née en 2000 et elle est passée de l’état de fanzine polycopié à celui de revue inscrite au tribunal de Bologne, en accueillant des écrivains comme Paolo Nori et Aldo Nove. En 2010, Argo a également inauguré une collection qui s’occupe principalement de poésie et qui est éditée par Valerio Cuccaroni.

Consacrée elle aussi au roman et à la poésie, la revue Atti impuri, du collectif Sparajurij, a été conçue dès le début en collaboration avec la maison d’édition milanaise NoReply et à partir du 2013, avec la maison turinoise Miraggi : le dernier numéro, L’anomalia del passaggio, remonte à 2016, mais sur le site en ligne il est possible de trouver des nouvelles, des articles, ainsi que de la poésie.
Crapula, expérience culturelle farfelue et raffinée qui joint l’expérimentation multimédia au genre narratif et à la critique littéraire et philosophique, est en activité depuis 2008 ; tandis qu’Inutile, sur tous les écrans et dans toutes les boîtes aux lettres (des abonnés) depuis 2007, fête ses dix ans. « Gérer une telle revue pendant une longue période signifie se professionnaliser toujours davantage », raconte Matteo Scandolin, l’âme de la revue, « de notre rédaction sont sortis des gens qui ont appliqué par la suite ce qu’ils ont appris ici dans différents domaines ». Pour son anniversaire, Inutile a lancé une autre revue, Effemeridi, consacrée à la réinterprétation des années deux mille et éditée par la très jeune Federica Bordin.

cover_effe5.inddL’intérêt de la part du monde de l’édition pour les revues indépendantes nous est confirmé par Dario De Cristofaro, de la rédaction d’effe, appendice consacré au genre du roman de l’historique revue en ligne Flanerì : « Au cours de ces années, il nous est souvent arrivé que des éditeurs et des agents demandent à prendre connaissance des noms des auteurs et des copies d’effe. Bien des auteurs ont débuté ou sont passés par effe avant d’arriver dans une maison d’édition – je fais référence à Alessandra Minervini, ou encore à Luciano Funetta », nous raconte De Cristofaro, « constance et sélectivité sont les deux caractéristiques principales qui font que les agents et les éditeurs comptent sur une revue, notamment si l’on considère qu’à l’heure actuelle les petites et moyennes maisons d’édition exigent une sélection qui autrefois passait par leur propre comité ».

Cadillac aussi a été créée en 2012 ; « une revue qui se rédige toute seule » et qui a été témoin de la collaboration de Giulio D’Antona, Natan Mondin et Michele Crescenzo : encore une fois, il s’agit d’une revue qui s’occupe exclusivement du genre romanesque.

Il faut mentionner aussi tina, la rivistina, que l’écrivain Matteo Bianchi produit dans des délais et avec un graphisme tout à fait anarchique, depuis 1996. “tina est un point de repère pour toutes les revues littéraires indépendantes, que tous les jeunes écrivains visent, plus ou moins secrètement, lorsqu’ils agissent dans le cadre de l’underground.

Les revues que l’on vient de nommer sont sans aucun doute parmi les plus influentes et historiques du panorama indépendant, mais des projets intéressants sont aussi à surveiller parmi les nouveau-nés.

Parmi elles, The FLR s’est avérée être la plus intéressante : la revue est gérée par l’écrivain Alessandro Raveggi, et se distingue par le choix de publier des auteurs en vue, ayant chacun publié au moins un livre. Le projet, nous explique Raveggi, « a été conçu pour promouvoir la littérature italienne contemporaine chez les lecteurs de langue anglaise. Pour cela, nous identifions les auteurs connus, romanciers et poètes, qui témoignent de l’importance du panorama littéraire italien, très vivant à l’heure actuelle ». En effet, le projet peut s’enorgueillir de compter des auteurs tels qu’Elena Varvello, Luca Ricci, Alcide Pierantozzi, ainsi que Marco Rossari retenu pour le prix Strega 2017.

Carie- La Bibliothèque italienneParmi les nouveautés, il faut nommer Carie, qui s’inscrit dans le cadre des revues littéraires plus traditionnelles, proposant aux lecteurs une série de nouvelles entrecoupées par des illustrations, et Tre racconti qui, comme l’indique son titre, ne propose que trois nouvelles inédites par numéro.

Les revues littéraires indépendantes sont précaires par vocation et par nécessité. Mais c’est peut-être exactement cela qui fait leur fortune. Se trouver à l’écart du monde de l’édition, à la fois dénicheuses de talents et éditrices, tout cela permettant d’atteindre un travail culturel de grande qualité et une sélection d’offres qui ne correspondent pas aux intérêts du marché, mais qui visent uniquement à une qualité de plus en plus élevée.

 

Traduction de Marta Somazzi

Cet article est disponible en version originale sur le site Il Libraio

1 Comment on Voyage parmi les revues littéraires indépendantes italiennes

  1. Antonello Farris // 1 février 2018 á 9:00 // Répondre

    Articolo semplicemente fantastico! E utilissimo. Grazie Matilde Quarti.

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  1. Ma tu divertiti, de Mari Accardi – La Bibliotheque Italienne

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