Peppe Fiore, ou l’herméneutique de la beauté

Bien que ses livres n’aient pas encore été traduits en français, vous avez probablement déjà vu défiler le nom de Peppe Fiore dans les génériques des séries italiennes The Young Pope et Squadra criminale.

Par Francesca Vinciguerra

Lors de la 31e édition du Festival du Premier Roman de Chambéry, le public a fait connaissance avec Peppe Fiore, écrivain italien auteur du roman Dimenticare (Einaudi, 2017).

Peppe Fiore, Dienticare, La Bibliothèque italienneBien que ses livres n’aient pas encore été traduits en français, vous avez probablement déjà vu défiler le nom de Peppe Fiore dans les génériques des séries italiennes The Young Pope de Paolo Sorrentino et Squadra criminale de Claudio Corbucci, auxquelles il a participé en tant que scénariste. Dans son quotidien, il jongle en effet entre son identité d’écrivain de romans et celle de scénariste de séries télévisées : une double identité professionnelle qui l’amène souvent à mélanger les techniques d’écriture dans un sens comme dans l’autre. Ses romans sont ainsi définis par une extrême attention aux personnages et à leur évolution : « Si mes personnages ne sont pas intimement contradictoires, même la meilleure des histoires en sortira affaiblie », mais aussi par le soin de la construction structurelle de l’histoire et de ses dialogues.

Né en 1981 à Naples et vivant à Rome, Peppe Fiore publie son premier recueil de nouvelles en 2005, L’Attesa di un figlio nella vita di un padre, oggi, suivi de Cagnanza e Padronanza en 2008. Les recueils attirent vite l’attention du public italien et des critiques.

Il décide ensuite de laisser la forme brève des nouvelles pour se lancer dans le défi de l’écriture romanesque. C’est ainsi qu’en 2009 il publie La Futura Classe dirigente, un roman de plus de 400 pages dans lesquelles il pose les bases des thématiques de ses publications futures. Véritable manifeste de poétique, La Futura classe dirigente raconte, à travers le personnage de Michele Botta, la crise de la « Generazione Precariato » italienne. Mais il ne se limite pas à arpenter les problématiques liées au monde du travail qui affligent une génération entière et qui sont malheureusement devenues une étiquette sociale et un cliché italien à l’étranger : il explore aussi les facettes les moins bruyantes et les plus nuancées qui caractérisent également toute une génération perdue à jamais dans les limbes entre l’adolescence et la vie adulte.

Le roman, publié par Minimum Fax et finaliste du Premio Stresa, a marqué le début d’une réflexion narrative qui tourne autour de sujets que nous retrouverons aussi dans ses publications futures : la famille par exemple, berceau de l’enfance heureuse, mais aussi de toutes les névroses que les personnages seront amenés à résoudre dans leur vie adulte ; ou encore l’illusion de pouvoir trouver un sens à son existence ; ou enfin l’amour et la dévotion dans toutes leurs formes.

Toujours portés par une écriture élégante et dépourvue de rhétorique, les personnages sont le véritable pivot de la narration de Peppe Fiore. D’ailleurs, très souvent ils sont bien plus ancrés dans notre vie quotidienne que dans le romanesque littéraire : ils vivent dans la banlieue romaine et sans charme de Fiumicino, ils sont experts-comptables ou employés modèles de l’entreprise modèle que tout le monde connaît. L’écrivain nous raconte des existences on ne peut plus proches de la réalité qui, à première vue, n’ont rien d’épique ou de littéraire. Mais pour lui, « la beauté est d’autant plus surprenante quand elle surgit dans les lieux les plus inattendus. (…) Il faut arriver à connaître ces existences, à trouver l’étincelle poétique qui se cache en elles pour réaliser une véritable herméneutique de la beauté », explique-t-il, faisant ainsi écho à la philosophie poétique du chanteur De André. Son dernier roman, Dimenticare, est particulièrement cohérent avec cette idée.

L’écrivain Peppe Fiore doit beaucoup à ses origines et à son enfance : fils unique d’une famille méridionale et bourgeoise, il a grandi dans l’idée étouffante de l’importance d’avoir un emploi stable et « sérieux ». Et s’il a choisi le métier ni sérieux ni stable d’écrivain, il admet avoir gardé néanmoins une attitude d’employé de bureau à l’égard de l’écriture, et surtout le sens de la réalité vis-à-vis d’un monde qui est rarement raconté avec autant de vérité dans la littérature contemporaine. D’ailleurs, comme le comprennent assez vite les personnages de ses romans, « il n’y a pas d’autre façon de devenir adultes que d’assumer sa propre vocation ».

 

Livres de l’auteur :

FIORE Peppe, Dimenticare, Giulio Einaudi Editore, 2017, 192 p.

FIORE Peppe, Nessuno è indispensabile, Giulio Einaudi Editore, 2012, 212 p.

FIORE Peppe, La futura classe dirigente, Minimum Fax, 2009, 404 p.

FIORE Peppe, Cagnanza e Padronanza, Gaffi Editore Roma, 2008, 215 p.

FIORE Peppe, L’Attesa di un figlio nella vita di un padre, oggi, Coniglio editore, 2005, 60 p.

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