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La littérature de la Basilicate, un récit de rédemption

Par Francesca Vinciguerra

Magie de regards cachés, terre caillouteuse et ingrate à perte de vue, ancestralité étrangère à l’Histoire, brigands féroces guettant les chemins… Ces images résument grosso modo l’idée que l’Italie a longtemps eue de la Basilicate, une des régions les plus réfractaires à intégrer l’Italie unifiée et presque oubliée dans le processus qui suivit.

Bien que ce portrait ne soit que partiellement réel, la production littéraire de la Basilicate et son interprétation ont joué un rôle-clé dans cette peinture des lieux. La publication de Le Christ s’est arrêté à Eboli de Carlo Levi en 1945, par exemple, focalisa pour la première fois l’attention nationale sur une région qui jusque-là était restée à peu près invisible aux yeux des institutions. C’est grâce à – ou à cause de – la dénonciation de Carlo Levi que, trois ans après la publication de son œuvre, le président du PCI Palmiro Togliatti effectua personnellement un voyage en Basilicate et désigna l’état des « sassi » de la ville de Matera, aujourd’hui patrimoine mondial de l’UNESCO, de « honte nationale », mettant en place une œuvre gigantesque de restauration de la salubrité des lieux pour ses habitants.

 

Une décennie plus tard, ce sont ces mêmes descriptions de Carlo Levi qui encouragent l’anthropologue napolitain Ernesto De Martino à explorer la Basilicate pour ses études. Ses recherches mettent en lumière un autre aspect de la vie dans cette région : le réseau complexe de traditions et croyances qui cadencent la vie de ces habitants, leur ancestralité immuable, le mélange richissime et contradictoire entre magie et religion.

Malgré la valeur indéniable des œuvres de ces deux écrivains et hommes de science, il faut reconnaître que leur travail contribua à cristalliser dans l’imaginaire collectif une idée arriérée de la Basilicate : pauvre et sale, oubliée des lumières du progrès, bloquée dans un savoir-faire et un savoir-vivre fascinants et ancestraux, mais obsolètes pour l’Italie du XXe siècle.

C’est seulement à partir des années 60 que l’on commence à s’intéresser aux paysages de la région avec un regard différent : Pasolini se rend à Matera pour tourner L’Évangile selon Saint Matthieu ; un groupe de poètes actifs à la cour de Fréderic II pendant le XIIIe siècle est redécouvert, tout comme l’importance des centres intellectuels de la Basilicate au XVIe siècle. En bref, la deuxième partie du XXe siècle inaugure la saison de la rédemption culturelle de cette région. Depuis, l’image que nous avions de Matera et de la Basilicate n’a cessé d’évoluer, d’abord grâce à la nomination au patrimoine de l’UNESCO des « sassi » en 1993 et puis au moment de la nomination de Matera comme Capitale européenne de la culture en 2019, occasion parfaite pour redécouvrir la culture et la littérature de cette merveilleuse région du Sud italien.

 

Dans ce volet consacré à la littérature de la Basilicate, nous parlerons sans doute de Carlo Levi et d’Ernesto De Martino, mais nous explorerons aussi des écritures plus proches dans le temps, par exemple les romans historiques de Raffaele Nigro.

L’histoire de la Basilicate, de même que celle d’une grande partie de l’Italie méridionale, n’est pas une histoire facile. Sa littérature reflète toutes les contradictions de son passé, mais aussi ses richesses les plus précieuses, parfois très bien dissimulées sous la dure écorce de cette « terre ingrate ».

Les auteurs et les œuvres que vous trouverez dans le volet sur la littérature de la Basilicate sont les suivants :

 

 

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