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Ceci n’est pas une chanson d’amour, d’Alessandro Robecchi

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Par Chiara Licata

Cette année, le prix Violeta Negra Occitanie 2021, remis à l’occasion du Festival Polars du Sud de Toulouse, a été décerné au roman d’Alessandro Robecchi, Ceci n’est pas une chanson d’amour, paru aux éditions de L’Aube, traduit de l’italien par Paolo Bellomo et Agathe Lauriot dit Prévost.

Premier tome d’une saga prometteuse, dont l’adaptation télévisée est en cours de réalisation, le roman de Robecchi retrace les vicissitudes rocambolesques de Carlo Monterossi, producteur de télévision milanais, grand connaisseur de Bob Dylan et amateur de vieux whisky. Adoré par le star system milanais, Monterossi est le créateur du programme télévisé « Crazy love » émission phare de la trash TV (« la Grande Usine à Merde »), dont le producteur peine à assumer la paternité. Le titre, qu’un fan de Bob Dylan approuverait certainement, ne doit rien au hasard. Il s’agit en effet de la traduction italienne du célèbre morceau This is not a love song, dans lequel John Lydon, icône des Sex Pistols, s’attaquait à ses détracteurs qui l’accusaient d’avoir succombé aux sirènes de la musique commerciale. Paradoxalement, This is not a love song sera le plus grand succès du groupe.

«La misère du milieu de la télé poubelle, les forces de l’ordre à la dérive au cœur d’une Milan post-berlusconienne».

Carlo Monterossi est lui aussi un homme qui doit faire face au succès et à la loi du marché. En essayant d’échapper à l’émission-monstre qu’il a lui-même engendrée, il se trouve embringué dans des situations de vengeances privées, meurtres, échanges de personne. Victime d’une tentative d’assassinat et très peu confiant dans les compétences de ceux censés résoudre l’affaire, Monterossi décide de mener sa propre enquête avec l’aide d’un ami journaliste et de son assistante Nadia, précaire et sous-payée, mais dévouée et aguerrie problem solver. L’enquête met au jour une organisation tentaculaire de petits, grands criminels et féroces nostalgiques du fascisme, dans un arrière-pays labyrinthique et brumeux. À travers cinquante-trois courts chapitres, les poursuites se multiplient et les pistes se croisent en déroulant une symétrie presque parfaite : deux méchants et trois couples de poursuiveurs, la misère du milieu de la télé poubelle, les forces de l’ordre à la dérive au cœur d’une Milan post-berlusconienne.

Avec ce premier volume, Robecchi, lecteur de Zola et de Chandler et fan de la première heure de Bob Dylan, nous offre un roman à l’intersection du polar et de la satire, à l’esthétique fortement cinématographique et, dans les moments les plus tendus, vaguement splatter. En effet, l’écriture de Robecchi change sans cesse de focale, alterne plans larges et cadrages serrés où l’auteur, par le biais d’une voix off omnisciente, raconte, juge, rit avec sarcasme, intervient dans le récit, allant jusqu’à donner la réplique ou à interrompre ses personnages. La voix de Robecchi à la fois implacablement ironique, légère et perspicace construit un récit tortueux au cours duquel les assassins sont découverts tantôt par hasard tantôt par négligence et où les coupables sont traqués par une assistante aux talents d’enquêtrice hors pair. Le personnage de Monterossi récoltera probablement tous les lauriers, mais pour Robecchi il est évident que la véritable héroïne, c’est elle : Nadia.

Quant à Monterossi, notre héros dylanien, ses aventures de détective en civil ne font que commencer : nous sommes sûrs qu’il ne nous décevra pas.

ROBECCHI Alessandro, Ceci n’est pas une chanson d’amour, traduit de l’italien par Paolo Bellomo et Agathe Lauriot dit Prévost, L’Aube, 2020, 404 pages

ROBECCHI Alessandro, Questa non è una canzone d’amore, Sellerio editore, 2014, 432 pages

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