Par Cinzia Dezi
Paolo Cognetti (qui a déjà été interviewé par Stefania Meneghella ici) dont le livre Le otto montagne (Les huit montagnes) a été publié en français le 23 août 2017 par les éditions Stock (traduction de Anita Rochedy) a gagné le Prix Strega 2017, le plus prestigieux prix littéraire d’Italie, et le 9 novembre 2017 a reçu le prix Médicis étranger et, en Angleterre, le English Pen Translates Award 2017.
C’est à la fois une histoire de famille et une histoire d’amitié qui se déroule en montagne. Mais l’on comprend, dès le titre, que le paysage joue un rôle principal dans ce récit.
Le protagoniste est Pietro que l’on suit à partir de son enfance jusqu’à l’âge adulte : c’est donc un roman d’apprentissage que l’on lit, un genre classique qui décrit un monde en train de disparaître, celui d’une « civilisation de montagne », avec ses anciens métiers qui vont laisser la place à l’exploitation de ces lieux par le tourisme de masse en hiver.
Pietro, qui est aussi le narrateur, parle du « mariage de montagne » de ses parents comme d’un « mythe fondateur » de sa famille, avant sa naissance, et du dialecte vénitien comme d’une langue mystérieuse qu’utilisaient ses parents entre eux et que lui, qui a grandi entre Milan et la montagne de la Vallée d’Aoste, ne comprenait pas.
C’est ainsi que Pietro apprend, pendant l’hiver, la nostalgie de la montagne, qui devient pour lui un territoire de liberté et de jeux, où il tresse l’amitié la plus importante de son enfance, celle avec Bruno, un petit montagnard qu’il retrouvera une fois devenu adulte, éloigné des lieux où il a grandi.
Pendant son adolescence, rebelle, comme c’est typique à cet âge, Pietro refuse de continuer à suivre son père à la montagne, refuse sa formation, et choisit un esprit différent par rapport à la compétitivité du géniteur : il préfère l’escalade libre et sans but au culte des sommets alimenté par la rhétorique de son papa.
Sans trop vouloir dévoiler l’intrigue, Pietro va devoir se confronter avec les passages fondamentaux de l’âge adulte et va découvrir ce qu’est le regret, la nostalgie, l’amour, la mort, l’importance des rapports humains et la nécessité de préserver l’environnement. Il lit Murray Bookchin, le fondateur de l’écologie sociale, et il en discute avec Bruno et d’autres copains, en essayant de rêver et de construire leur propre utopie.
Paolo Cognetti est capable de peindre le mont Grenon, où se déroule la partie la plus importante de cette histoire, à toutes les saisons, comme Monet avec sa Cathédrale de Rouen, et il réussit si bien dans cette entreprise que même celui qui n’a jamais été en montagne plus d’une ou deux fois comme moi parvient à avoir devant les yeux ce qu’il évoque avec son écriture vive et précise.
(La traduction de tous les fragments cités est de Cinzia Dezi.)
Édition italienne, finaliste du Prix Strega :
COGNETTI, Paolo, Le otto montagne, Einaudi Editore, 2016, p. 199.
Édition française :
COGNETTI, Paolo, Les huit montagnes, traduit par Anita Rochedy, Stock éd., 2017, p. 304.
Enregistrer

