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Mes désirs futiles, de Bernardo Zannoni

Mes désirs futiles – un roman lu et approuvé par les lecteurs italianistes du réseau de Lectures Plurielles | Festival du premier roman de Chambéry

I miei stupidi intenti (edizioni Sellerio) est un premier roman vraiment atypique qui a valu à son jeune auteur Bernardo Zannoni le prestigieux premio Campiello 2022. Il est paru en France aux éditions La Table Ronde, traduit par Romane Lafore, sous le titre Mes désirs futiles.

La plume heureuse, lyrique et philosophique de l’auteur met en scène des animaux dans leur environnement le plus approprié : un bois où chacun lutte pour sa survie.    
Mes désirs futiles est l’autobiographie d’une fouine nommée Archy, née une nuit d’hiver, qui se retrouve, avec ses frères et sœurs, à lutter contre le froid, la faim et la cruauté de la vie dans la forêt. En effet, après avoir grandi au sein de sa famille, la fouine est bannie de celle-ci.
Archy se retrouve au service de Solomon, le vieux renard qui vit sur la colline. Ce dernier est un animal plein de secrets, c’est aussi l’usurier du bois, tous les animaux viennent le voir pour lui emprunter de la nourriture ou pour payer leur dette. Il a l’air de savoir quelque chose de plus que les autres et il est obsédé par les objets créés par les humains, qu’il collectionne dans sa chambre. Solomon décide d’enseigner la lecture et l’écriture à Archy, lui donnant accès à une dimension mystique grâce au Livre, à la connaissance de Dieu, au pouvoir des mots. La fouine est en proie à une angoisse existentielle, la conscience du temps et de la mort la rend à son tour différente des autres animaux, bienheureux ignorants. La suite, on la confie aux futurs lecteurs qui auront la chance de découvrir ce texte puissant.
C’est en parlant d’animaux que Zannoni aborde des sujets profonds, philosophiques et surtout très humains : Dieu, les sentiments, l’appartenance à un lieu ou à un groupe social, la loyauté, le courage, la vengeance, la famille, l’instinct, le pardon, le sacrifice, l’échec social… Bernardo Zannoni raconte avec une grande maîtrise l’existence humaine, faite de rancœurs qui mortifient et de quelques moments de splendeur qui la rendent supportable, parfois excitante. Un conte merveilleux, émouvant et impressionnant, servi pas une écriture limpide, essentielle, parfois rude.

Carlotta et Joséphine, lectrices du réseau de Lectures Plurielles.

Voici l’incipit du roman :

« Mon père mourut parce que c’était un voleur. Il vola trois fois dans les champs de Zò, et la quatrième, l’homme le prit. Lui tira dans le ventre, lui arracha la poule de la gueule puis l’attacha à un piquet de la clôture en guise d’avertissement. Il laissait sa compagne avec six petits à charge, en plein hiver, sous la neige.

Au milieu de la nuit venteuse, tous réunis dans le grand lit, nous regardions notre mère se lamenter dans la cuisine, sous la faible lumière du lampadaire et le plafond bas de notre tanière.

“Maudit Davis, sale animal ! pleurait-elle. Qu’est-ce que je vais faire, maintenant ? Stupide fouine !”

Nous la regardions sans faire de bruit, serrés les uns contre les autres à cause du froid. À ma droite, mon frère Leroy, de l’autre côté Giosuè, que je n’avais pas eu le temps de connaître. Il avait dû mourir peu de temps après la mise bas, écrasé par le poids de notre mère quand elle s’était étendue pour reprendre des forces.

“Malheureux, malheureux ! pleurait-elle encore. Et qui va les élever, maintenant, ces enfants de personne ?”

Pendant nos premiers jours, la vie était une belle sensation. En respirant doucement sous les couvertures, nous glissions dans le plus vigoureux sommeil. Nous étions fragiles et forts à la fois, encore cachés du monde.

“Qui va les élever, hein ? Qui va les élever ?” disait notre mère. Puis elle venait jusqu’au lit et s’allongeait, nous offrant son ventre. Dès que je la sentais s’approcher, je m’agrippais à elle de toutes mes forces. Mes frères et sœurs commençaient aussitôt à se battre. Leroy était le plus grand et il se jetait sur notre mère avec autorité ; les femelles, Cara et Louise, faisaient équipe. Otis, le plus petit, était laissé pour compte.

“Qui va les élever ? Qui va les élever ?” disait notre mère. Parfois, je la sentais sursauter de douleur si l’un de nous la mordait trop fort. Giosuè dépassait de sous son pelage, inerte. »

Lectures Plurielles propose chaque année de découvrir un large choix de premiers romans francophones et européens (allemands, britanniques, espagnols, italiens, roumains). Les lecteurs — réunis en un réseau de comités de lecture ou en solo — lisent, échangent et votent pour leurs romans favoris : leur palmarès détermine la liste des auteurs lauréats invités à participer aux rencontres du Festival du premier roman de Chambéry.
Vous souhaitez rejoindre un comité de lecture en italien ? Contactez Lectures Plurielles danielafaraill@festivalpremierroman.com     

Révision de Sophie Maglia

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