Par Monica Coppola et Miranda Martino
Les Turinois étaient nombreux, mais également les visiteurs venant de toute l’Italie et de l’étranger. Sur les stands des maisons d’édition, les ventes ont augmenté, atteignant même 40 à 50 % en plus par rapport aux montants de 2016.
Un succès pour tous, lecteurs et professionnels du Salon.
Pour nous qui vivons à Turin, le Salon est un Noël de papier. Chaque année, nous attendons la semaine de mai consacrée à cette fête, et ceux qui, pour nous, sont comme une famille : les auteurs et les autrices. C’est toujours bien de savoir que pendant quelques jours les noms qui habitent nos librairies se retrouvent tous à Turin, se promènent parmi les stands, rencontrent les lecteurs, parlent de leurs livres. Et dans cette édition du Salon, sont venus Luis Sepulveda, Daniel Pennac, Annie Ernaux, Yasmina Reza, Richard Ford, Giorgio Agamben, Amitav Ghosh, Eugeny Morozov, pour n’en citer que quelques-uns.
Durant les trente dernières années, ils ont été nombreux à venir au Salon : de Gorbatchev à Bono Vox, comme nous l’a rappelé Guido Accornero, le père fondateur du salon, à l’occasion d’une conférence de célébration. Ce fut grâce à son élan d’entrepreneur (Accornero possédait 33 % de la maison d’édition Einaudi) et à l’intuition du libraire Angelo Pezzana que l’idée du Salon du Livre naquit, en 1987 : faire se rencontrer les auteurs et les lecteurs et divulguer la culture du livre.
Accornero choisit Turin, où il y avait encore peu d’activité en ce temps-là, à l’exclusion de la fabrique de voitures. Au cours de son émouvant amarcord, Accornero a rappelé que ce fut précisément Agnelli, le dirigeant de la célèbre fabrique de voitures, qui, le premier, fit « pèlerinage » au Salon : « Il fallait l’imprimatur et seul Agnelli pouvait le donner. D’abord, il me demanda : “Eh bien Accornero, pourquoi les livres ?” et puis : “D’accord, faisons aussi des livres !”. »
Dès lors, les « moteurs » furent lancés et l’ambitieux défi commença. Il n’y avait pas de modèles à imiter ou desquels s’inspirer : il n’y avait qu’un rêve. Mener les gens vers les livres, le plus possible, et les auteurs vers les gens.
Quand on y pense maintenant, le thème était similaire à celui de cette année : aller au-delà de la frontière.
La première édition eut un effet surprenant qui réveilla Turin de sa torpeur : à Turin Esposizioni, plus de 530 exposants se déplacèrent et plus de 100 000 livres furent exposés.
Le prix Nobel Iosif Brodskij fut invité et chaque visiteur reçut un exemplaire hommage de La suora giovane, une nouvelle de l’écrivain turinois Giovanni Arpino.
Il faut citer aussi sa belle déclaration finale, lors de la conférence de presse du 22 mai :
Ce salon a démontré plusieurs choses, qui démentissent fortement et totalement un courant de pensée dont les gens ont assez, et en venant ici au Salon ces gens ont exprimé très clairement leur idée de la culture et de communauté en laquelle ils croient. Par exemple, il n’est pas vrai qu’en haussant le niveau culturel, le public se réduit. Si l’on hausse le niveau, et si on le fait dans une optique d’inclusion, de vraie inclusion, il peut arriver que le public arrête d’être simplement un public, que soit dévoilé l’odieux écran qui sépare la société du spectacle de la vie réelle, et qu’apparaisse à nouveau une communauté de frères et de sœurs heureux d’être là, de vivre tous ensemble. Voilà ce qui s’est passé ici dans les cinq derniers jours.
Au cœur du Salon, cette année, une tour de livres ressortait dans l’espace COLTI, l’acronyme pour Consorzio delle librerie torinesi indipendenti. Le premier du genre en Italie, façonné selon le modèle de la Bibliothèque Warburg. Seuls les libraires turinois peuvent y adhérer, lorsqu’ils ne sont pas associés à des chaînes éditoriales ou de grande distribution. Nous nous y sommes rendues, nous avons pris des photos selon le rituel, et acheté nos livres.
Le prochain Salon International du Livre de Turin se déroulera du 10 au 14 mai 2018.