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ScrittuRa Festival, un éblouissement littéraire à Ravenne

Par Cinzia Dezi

Matteo Cavezzali, journaliste, écrivain et créateur de ScrittuRa Festival, a accepté de répondre à nos questions. Matteo, merci pour ta disponibilité. Comment est né ScrittuRa Festival ?

ScrittuRa Festival est né il y a six ans à partir de l’idée que Ravenne est la ville où Dante a passé la dernière période de sa vie, où il est mort, où il a écrit La Divine Comédie. Dante arriva à Ravenne, car il était exilé de Florence et il fut accueilli et hébergé chez nous, d’où l’idée de faire à nouveau de Ravenne une ville qui accueille et héberge des écrivains du monde entier. À partir de cette idée, nous avons commencé à parler d’écriture avec plusieurs auteurs, pour comprendre pourquoi ils écrivent, ce que signifie l’écriture pour eux, et, au fil des années, on s’est aussi intéressé à l’écriture pour le cinéma, les séries, au lien entre l’écriture et la musique et d’autres formes d’écriture qui vont au-delà du roman.

Ton idée a été excellente, car de cette façon tu as comblé un vide, en créant quelque chose qui n’existait pas à Ravenne. Pourrais-tu nous indiquer qui sont les auteurs qui t’ont le plus marqué au cours de ces six ans ?

Les rencontres mémorables ont été nombreuses : David Grossman a été aussi sensible en direct que dans ses livres, et puis Maylis De Kerangal, Luis Sepúlveda, Hanif Kureishi, Lauren Groff, Jhumpa Lahiri sont des auteurs que j’ai toujours aimés comme lecteur et les retrouver ici, écouter leurs mots et discuter sur des thèmes qui vont de l’écriture à l’actualité a été un moment d’enrichissement collectif. Ainsi, depuis la naissance du Festival, plusieurs belles choses sont arrivées. L’écrivain David Szalay a cité Ravenne dans un roman qui a ensuite gagné le Gordon Burn Prize (All That Man IsTutto quello che è un uomo). Ce roman se termine justement à Ravenne et je crois que la ville avait infusé en lui. De plus, dans les dernières années, cinq-six auteurs de Ravenne ont été révélés, de manière significative au niveau national, alors que jusque-là seulement deux écrivains d’envergure nationale provenaient de notre ville ; du coup ils se sont multipliés.

À propos de Jhumpa Lahiri, elle a présenté un livre qu’elle a écrit en italien, dans le cadre d’un autre festival, dont tu es toujours responsable, « Il Tempo Ritrovato ».

Oui, Jhumpa Lahiri est incroyable. C’est une femme de lettres américaine d’origine indienne, très célèbre aux États-Unis, ayant gagné le prix Pulitzer de la fiction en 2000. À un moment, elle est tombée amoureuse de la langue italienne, et a décidé de vivre pour un temps en Italie. Elle a étudié notre langue, a lu beaucoup d’écrivains italiens, et enfin a décidé d’écrire en italien, d’abord un essai sur notre langue (In altre parole, publié par Guanda), puis un roman (Dove mi trovo, Guanda). Et dernièrement elle a recueilli les récits des plus grands écrivains italiens de la deuxième moitié du XXe siècle (Racconti italiani, Guanda), qui ont ainsi pour la première fois été portés à l’attention du public américain et international.

 

Quelles sont les têtes d’affiche de cette édition du Festival ?

Encore une fois ils sont nombreux. Jonathan Coe est un auteur anglais que j’aime beaucoup et qui vient à Ravenne pour la première fois, mais on reçoit aussi des auteurs de poésie pour la musique, comme Vinicio Capossela, un auteur-compositeur très important pour la musique italienne. Et beaucoup d’autres. Je ne pourrais pas les nommer tous.

Je viens d’assister à la conférence de Beatrice Masini, une écrivaine qui a déjà été publiée en France et dont on a déjà parlé ici ; c’est pourquoi j’ai été très heureuse de l’entendue en direct. Maintenant, on est en train d’écouter Nadia Terranova (d’elle aussi on a déjà parlé). Pourrais-tu nous dire quelques mots sur ces deux autrices ?

Oui, je trouve très beau le fait que les auteurs italiens recommencent à occuper la scène internationale, et beaucoup d’entre eux ont rencontré le succès en France, par exemple Antonio Moresco, qu’on a reçu à ScrittuRa Festival, et auquel les Français ont aussi dédié une rue ! Nous sommes heureux de tout cela. Beatrice Masini est une autrice polyédrique, qui s’est occupée d’un peu tous les aspects de la littérature, de l’écriture pour la jeunesse aux romans pour adultes ; elle est chargée d’édition, traductrice, c’est une professionnelle complète, à tous les niveaux. Nadia est une écrivaine jeune, mais qui a fait ses preuves, car elle est en final pour le prix Strega 2019, le plus important prix littéraire d’Italie, et nous l’avons toujours invitée. À chaque fois qu’elle revient, elle est plus mûre, et nous sommes contents de suivre les auteurs dans leur parcours.

Ma dernière question concerne ton livre (Matteo Cavezzali, Icarus. Ascesa e caduta di Raul Gardini, Minimum Fax, 2018). Tu as écrit un livre sur Raul Gardini, un entrepreneur de Ravenne qui a eu une histoire très controversée et qui est mort d’une balle reçue dans la tête. Dans ton livre-enquête, tu essaies de renverser l’hypothèse du suicide ou du moins d’introduire des doutes quant à la conclusion judiciaire de cette affaire.

Ceci est un fait-divers auquel les journaux et l’histoire n’ont pas rendu justice, ils n’ont jamais trouvé la vérité. Ça a été le plus grand scandale jamais arrivé en Italie et probablement dans les pays occidentaux : un pot-de-vin tellement énorme et encombrant que le premier ministre italien a dû s’enfuir à l’étranger et se cacher, pour éviter la prison. Au cœur de cette affaire, on retrouve la personne la plus riche et puissante en Italie à ce moment-là, cet entrepreneur qui s’appelait Raul Gardini, qui, soudain, le jour où il était censé aller raconter sa vérité au tribunal, a été retrouvé mort dans des circonstances vraiment bizarres. L’affaire a été classée comme un suicide, mais selon moi ce n’en était pas un ; c’est pourquoi j’ai décidé de raconter cette histoire dans un roman, pour donner les réponses qui ont manqué dans la presse.

 

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