Cattedrale: la vocation pour la nouvelle de qualité
Cattedrale est l’Observatoire sur la nouvelle que Rossella Milone a conçu avec Armando Festa en 2014.
Voici l’entretien mené par Anna Quatraro avec la fondatrice de Cattedrale, Rossella Milone (sorti le 3 mars 2017 sur le site facciounsalto.it).
— Chère Rossella, est-ce que tu as des informations plus réconfortantes sur le destin du genre de la nouvelle dans notre pays, ou confirmes-tu plutôt l’idée reçue selon laquelle les Italiens « ne lisent pas de nouvelles, sans parler de la poésie » ?
Je voudrais dire non, mais malheureusement je dois confirmer cette idée, qui est plutôt un fait établi. En Italie, on ne lit pas en général ; et les nouvelles, ainsi que la poésie, sont toujours considérées comme une forme littéraire moins digne que le roman. Il ne s’agit pas seulement d’un préjugé, il est aussi question d’éducation, dans la mesure où les lecteurs ne sont pas habitués à lire ce genre littéraire, pendant l’enseignement scolaire. Il est vrai, peut-être, que dernièrement l’on hésite moins face à un recueil de nouvelles ; dans le sens où certaines maisons d’édition sont en train de s’y engager — ou au moins elles essaient. Beaucoup de revues et de projets se sont développés à partir de la question du texte narratif court, mais honnêtement je dirais que la nouvelle est très à la mode : c’est génial d’en causer, même si, en fait, les choses sont bien différentes lorsqu’on se trouve dans les couloirs des librairies et des maisons d’édition, où il faut faire un travail plus structurel et méthodique afin d’améliorer la vie de la nouvelle.
— Cattedrale promeut aussi les nouvelles d’auteurs débutants. Est-ce que la revue répond à d’autres exigences ?
Notre revue (qui n’est pas vraiment une revue, mais justement un observatoire) ne veut pas publier d’écrivains débutants : c’est le contraire. Il y a beaucoup de sites et de blogs qui recueillent les nouvelles d’auteurs débutants et nous croyons que cette équivoque — le fait que la nouvelle est une forme littéraire plus simple, et donc d’amateur — est due à plusieurs facteurs qui dévalorisent la nouvelle. De cette façon, la « publication » et la visibilité attirent plus l’attention qu’un discours sérieux et constructif à propos du genre de la nouvelle. Naturellement, il y a aussi de bons exemples, même édifiants (je pense à 8×8 d’Oblique, par exemple, mais il y en a d’autres). Pourtant, nous faisons autre chose que cela : nous voulons remplir le vide du débat, de la critique, de la visibilité des nouvelles, en tant que genre littéraire et produit pour l’édition. Il est vrai que nous avons une section consacrée aux débutants, mais il s’agit d’une vitrine collatérale et surtout d’une sélection, où l’on cherche à donner de l’espace aux auteurs qui, à notre sens, sont véritablement dignes et qui ont fait un parcours plus ou moins déjà bien défini.
— Les conditions sont-elles réunies pour que la nouvelle de qualité puisse rivaliser avec la recherche obsédante du roman écrit par un jeune auteur ; recherche qui a caractérisé, sans exception, le milieu éditorial, depuis quelques années ? Remarquez-vous l’existence de lecteurs intéressés par les anthologies et les nouvelles en ligne, et surtout, croyez-vous que la lecture d’une nouvelle exige des compétences différentes par rapport à celles qui sont mises en œuvre dans la lecture d’un roman ?
Bien sûr, il y a des conditions favorables à la nouvelle et certains recueils qui sont publiés, mais qui ne sont pas pris en considération, s’avèrent être cent mille fois meilleurs que des romans qui se vendent beaucoup. Par exemple, il arrive que des romans écrits par des auteurs de nouvelles remportent plus de succès que leurs recueils de nouvelles, ces derniers étant nettement supérieurs. Bref, la nouvelle fait peur aux éditeurs, car celle-ci fait peur au lecteur, qui à son tour n’est pas assez accompagné au moment de l’achat du recueil, ce qui n’arrive pas avec le roman. C’est un cercle vicieux, où chacun est coupable, y compris l’écrivain, qui souvent vend à bas prix et dévalorise ses propres nouvelles face à un éditeur méfiant. En ce qui concerne les compétences, elles ne sont pas bien définies : dans le sens où un lecteur, qui est capable et prêt à accueillir le genre de la nouvelle, peut mettre en place des outils de lecture différents. La nouvelle engage plus le lecteur, qui est ainsi appelé à y participer, à dépenser de l’énergie, et souvent le lecteur moyen n’est pas prêt à tout cela.
— Quel est donc, en résumé, le rapport entre les lecteurs italiens, les éditeurs et les nouvelles ?
Peut-être ai-je déjà répondu à cette question : il s’agit d’un circuit où chacun est coupable dans une certaine mesure, y compris l’écrivain. C’est un rapport de méfiance, mais cette méfiance est engendrée — malheureusement — par une seule et unique cause : le profit lié au marché où, bien évidemment, les livres sont aussi impliqués.
(Traduction de Marta Somazzi.)
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