Je n’avais rien compris, de Diego De Silva
Par Laura Paoletti
« Je n’avais rien compris. »
Difficile à croire, sincèrement.
Puisque ce livre est d’une clarté fulgurante.
Il commence avec une liste composée de petit a, petit b et petit c ; il se termine par un point.
Non seulement le point final de ponctuation, mais aussi le point émotif, moral, psychologique.
Celui qu’on met quand on a finalement fixé une chose.
Même si elle est toute petite, mais « bon, ça y est, elle est résolue ; au moins ça ».
C’est une boucle cette histoire qui revient sur elle-même, elle ouvre le questionnement et elle le ferme, presque toujours simultanément.
Et De Silvia nous aide à en faire le tour, plusieurs fois, de différentes façons.
Tout d’abord autour de son personnage, l’avocat Vincenzo Malinconico (Mélancolique), un homme qui s’agite beaucoup sans vraiment jamais avancer, qui n’a pas de succès dans sa vie et qui en fait toute une affaire philosophique.
Puis autour de son univers : sa famille, son travail, les échecs, les attentes, les relations, la camorra, la ville de Naples.
Et enfin, autour de nous-mêmes, par la réflexion constante, claudicante et tortillée autant qu’éclatante et limpide, que l’avocat Mélancolique se charge de faire à notre place.
Si je devais jouer à chercher les références et les résonances, je dirais que De Silva a peut-être mélangé la maladresse existentielle de certains personnages de Kafka avec l’enchaînement de situations bizarres de la littérature sud-américaine, en cousant tout ça avec l’ironie de notre époque.
Car sans doute, ce à quoi parvient principalement ce livre, c’est à nous faire rire.
Et pour de vrai en plus, comme lorsqu’un cher vieil ami s’assied à côté de nous pour nous raconter ses dernières péripéties et que, dans la confiance, l’intimité et le vécu qu’on partage, il nous laisse se moquer de lui, sans problème.
Un bonheur rare : être capable de maintenir cette atmosphère sur presque 300 pages n’est pas une chose simple dans l’écriture.
Léger, fluide, pas prétentieux, riche, Diego De Silva est, selon moi, une voix précieuse de la littérature contemporaine italienne.
Avec une sensibilité juste camouflée sous des détournements de la pensée en blagues.
« À découvrir en vacances », dirait peut-être quelqu’un qui pense que le sourire est juste une parenthèse.
À ne pas oublier si l’on perd un instant le goût des choses, et que l’on a envie de le retrouver en passant par d’autres chemins, préciserais-je.
Édition italienne, finaliste du Prix Strega, gagnante du Prix Napoli : DE SILVA, Diego, Non avevo capito niente, Torino, Einaudi Editore, 2007, 312 p.
Édition française : DE SILVA, Diego, Je n’avais rien compris, Les presses de la cité, 2015, 400 p.
(Traduction de Marianne Faurobert.)
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