Natalia Ginzburg. La formidable et libre inutilité du romancier

Natalia Ginzburg se sert d’antennes mystérieuses pour capter la multitude de sentiments profonds auprès des gens

Natalia Ginzburg. Illustration de Filomena Oppido

par Alessandro Melia

 

Natalia Ginzburg. Illustration de Filomena Oppido

 

En lisant Natalia Ginzburg, j’ai compris la littérature d’aujourd’hui.

Après avoir lu en série Le piccole virtù (Les petites vertus, Flammarion) Mai devi domandarmi (Ne me demande jamais, Denoël), Non possiamo saperlo et Vita immaginaria, il me semble de ne plus pouvoir me passer de Natalia Ginzburg.

                                       Natalia Ginzburg, Le piccole virtù - La Bibliothèque italienne Natalia Ginzburg, Les petites vertus - La Bibliothèque italienne

Peut-être car ses livres, jamais conformistes ou prétentieux, mais d’une franchise absolue, nous concernent de près, car ils traitent de thèmes tels que l’enfance, la solitude, la recherche d’un logement, les dynamiques de couple. « Natalia se sert dantennes mystérieuses pour capter la multitude de sentiments profonds auprès des gens », disait l’éditeur Giulio Einaudi. Ainsi, lorsqu’elle nous raconte un événement qui lui est arrivé, on a l’impression de découvrir quelque chose de nous-mêmes qu’on savait déjà, mais avec quoi on avait perdu tout contact. Ses mots nous creusent dedans, en amenant au jour nos besoins, nos peurs, nos désirs.

                                        Natalia Ginzburg, Mai devi domandarmi - La Bibliothèque italienne Natalie Ginzburg, Ne demande jamais - La Bibliothèque italienne

Je me suis passionné pour Natalia Ginzburg lorsque je lisais Lui e io, un récit sur sa relation, d’une durée de vingt ans, avec son second mari, Gabriele Baldini. Il aboutit à une analyse du couple qui est à la fois amusante, mélancolique, mais surtout affectueuse. J’ai continué avec Le piccole virtù, qui donne son titre au recueil. Dans ce bref exposé, Ginzburg parle de l’éducation des enfants, à qui il ne faut pas apprendre les petites vertus, mais bien les grandes : « Non l’épargne, mais la générosité et l’indifférence face à l’argent ; non la prudence, mais le courage et le mépris du danger ; non le désir du succès, mais le désir d’être et de connaître ». Enfin, j’ai lu Il mio mestiere, un des textes les plus limpides et passionnés sur l’art de l’écriture, où est visible tout l’amour que Ginzburg éprouvait pour son travail : « Mon métier, c’est d’écrire des histoires, des choses inventées ou que je me rappelle de ma vie, mais en tout cas des histoires, où la culture n’a rien à voir et où seules la mémoire et la fantaisie sont à l’œuvre. Voilà ce qu’est mon travail, et je le poursuivrai jusqu’à la mort ». Presque un testament, qui m’a rappelé Bernard Malamud et son « Histoires, histoires, histoires : pour moi il n’y a que ça qui compte. » […]

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Natalia Ginzburg. Illustration de Mari Accardi

Enfin, Natalia Ginzburg réfléchissait souvent à un aspect qui est tout à fait central :

« Les romanciers, c’est une chose ; les intellectuels, c’en est une autre. Les intellectuels commentent la réalité, les romanciers la représentent. Je ne crois pas que les romanciers, ainsi que les romans qu’ils écrivent, bénéficieront jamais à la vie publique. Je crois fermement dans leur magnifique, formidable, libre inutilité. »

Ces pensées ont été écrites en 1983, mais elles sont toujours actuelles. Ainsi, je suis sûr que si elle était encore là aujourd’hui, elle continuerait à donner son apport, même si, face aux mots « problèmes culturels », elle serait soudain saisie d’ennui et d’un sentiment d’étrangeté.

 

Ici on peut lire l’article en italien.

 

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