Conversation avec Eugenia Dubini, éditeur de NN
Par Giovanni Turi
Après une expérience chez Il Sole 24 ore et dans des maisons d’édition comme Salani et Piemme en tant que rédactrice et traductrice freelance, Eugenia Dubini a fondé la maison NN Editore : une enseigne qui a attiré beaucoup d’attention et de considération (comme la sélection du roman de Tommaso Pincio, Panorama, parmi les finalistes du Prix Sinbad).
Comment as-tu commencé à travailler dans le domaine éditorial après un diplôme en économie obtenu à l’université Bocconi ?
J’ai commencé à m’occuper d’activités d’édition au cours de mes études : j’ai obtenu mon diplôme avec un mémoire sur l’édition en Italie, coordonné par Paola Dubini, et en même temps je travaillais déjà dans ce secteur, en tant que correctrice et rédactrice. De plus, j’ai travaillé pendant des années pour Rivisteria, le magazine mensuel de Bea Marin. Également, pendant mon expérience dans l’agence de photographie Prospekt, je m’occupais de la publication des livres. J’ai l’impression de n’avoir fait que ça !
Comment est né le projet de NN Editore de raconter le monde contemporain, la confusion de l’identité et le rapport entre vice et vertu ?
Le rôle qui a été primordial pour élaborer le concept éditorial, au niveau de la recherche, a été celui de Gaia Mazzolini.
Raconter le monde contemporain, la recherche de l’identité de notre temps, le mélange de rôles que les hommes et les femmes envisagent jour après jour, ici et maintenant, voilà le fil rouge de nos sélections. Dès que l’on a décidé de nous appeler NN [nescio nomen, sans nom], nous avons voulu mettre en relief ce nœud, c’est-à-dire toute cette confusion éthique dans laquelle nous sommes plongés. Il s’agit du thème littéraire par excellence ; le fait de mettre en relief un thème et de le travailler afin d’offrir des livres — au-delà des genres et de la nationalité des écrivains — nous paraît être une façon différente de nous adresser aux lecteurs. Ainsi, nous avons décidé que, pour nous, ce fil de recherche et d’offre serait un impératif dans notre choix, outre la qualité de l’écriture ; dès le début nous nous sommes confrontés — comme nous sommes des lecteurs expérimentés — au changement de perspective, aussi bien du point de vue de l’éditeur d’aujourd’hui que par rapport au goût du lecteur.
Un éditeur peut-il rivaliser avec de grands groupes dans un marché où ceux-ci contrôlent l’ensemble de la filière (des distributeurs jusqu’aux chaînes de librairies et aux magazines culturels) ?
Le défi n’est pas intéressant dans la mesure où l’on ne parle pas de compétition en soi, mais plutôt de présence et d’offre, de la qualité des deux, de la possibilité de communication, de la mise en place d’un discours et d’une communauté.
Je ne crois pas qu’il faille se concentrer sur la compétition au sens strict, car sinon on en arrive à la conclusion que nos lecteurs ne sont qu’une toute petite portion de ce vaste marché, impossible à élargir et à accroître. C’est un argument irréfutable, car c’est bien du public d’un secteur dont on parle, mais en même temps c’est une reproduction d’un schéma issu d’une conception fermée du marché, en plus d’être la reproduction d’une plainte continuelle des grandes et des petites maisons d’édition. Ceci dit, cette idée est primordiale pour comprendre les grandes concentrations qui sont en train de se créer d’un côté, tandis que de l’autre côté viennent d’apparaître sur le marché, dans une effervescence culturelle et entrepreneuriale, de nouvelles petites maisons.
Ainsi, à NN, nous ne voulons pas viser et nous adresser uniquement aux mêmes lecteurs et aux mêmes portions de marché que tous les éditeurs, mais plutôt agir pour mener un projet possédant des éléments distinctifs, qui atteigne aussi ceux qui ne se définissent pas et qui se considèrent, a priori, comme des lecteurs actifs.
À mon sens, il y a des espaces de communication dans le livre et dans ses mots, qui n’ont pas été suffisamment exploités ; je ne suis pas sûre que cela dépende forcément de moyens financiers, ou du fait d’avoir une carrure exceptionnelle. Il ne s’agit pas non plus d’un manque ou d’erreurs du passé. Cela dépend plutôt, et de plus en plus, de la nécessité et de la possibilité que nous avons de créer des réseaux et des communautés. Par là, je me réfère surtout à ceux qui ont une dimension physique et pas seulement immatérielle ou technologique.
Quel est ton rapport avec les livres, en tant que lectrice ?
C’est une relation d’amour.
Cette entretien a été réalisé par Giovanni Turi et publié sur le site Vita da editor.
Traduction de Marta Somazzi
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