È giusto obbedire alla notte, de Matteo Nucci
Par Miranda Marino
È giusto obbedire alla notte (romans arrivée en 2017 parmi les cinq premiers finalistes du Prix Strega) est un roman qu’il faut aborder avec une bonne dose d’attention.
Ne vous attendez pas à pouvoir le lire dans le métro ou dans le bus, ni dans la queue à La Poste. À ce roman-ci, vous devez consacrer l’endroit le plus confortable et le mieux éclairé de la maison. Ou encore, si vous voulez lire dehors, choisissez une bibliothèque. Mettez-vous à votre aise, car ce que vous allez lire vous dérangera. Cela vous mettra mal à l’aise et en même temps cela captera votre attention. Les références pour commencer ce voyage se trouvent dans les vers de L’Iliade qui ouvrent le roman :
Ne combattez pas plus longtemps, mes chers fils. Zeus qui amasse les nuées vous aime tous deux, et tous deux vous êtes très braves, comme nous le savons tous. Mais voici la nuit, et il est bon d’obéir à la nuit.
Puis, trouvez sur une carte le lieu où la plus grosse partie de l’histoire se situe : le long du Tibre, sous le pont de Mezzocammino. Matteo Nucci nous raconte une histoire épique où il n’y a pas de héros, mais plutôt des personnages qui sont héroïques en vertu de leur humanité, qui partagent les douleurs plutôt que les joies. Le mythe se situe dans le scénario le moins éclatant que l’on puisse imaginer, parmi ceux qui ont choisi de rester à l’écart.
È giusto obbedire alla notte est un roman fluvial. Le protagoniste est le Tibre, sur le versant occidental de Rome, si loin des clichés (aussi bien touristiques que littéraires) que nous connaissons. Ici se trouve l’Anaconda, un restaurant improvisé par les gens qui habitent le Tibre. Le protagoniste, Ippolito Snell, est lui aussi un fleuve, un courant de conscience ; il habite dans ce lieu, parmi des gens autochtones et d’autres plus exotiques, plongé dans le dialecte romain, l’espagnol et son bon italien. Tous l’appellent Docteur, même s’il n’est pas licencié. L’Anaconda est aussi le lieu où il garde son souvenir. Ici, le Docteur se trouve en exil volontaire pour faire passer une grande douleur que Nucci ne précise pas. En effet, dans le roman on ne connaît que les résultats, tandis que le développement des événements, on ne le lit jamais. C’est une histoire qui se construit sur les conséquences. Pour peupler ce monde, il n’y a que les derniers anguillari de Rome, les femmes du Docteur – celles de sa via présente et celles du passé –, le Tibre et Rome.
Ce roman « travaillera » en vous aussi (et surtout) une fois que la lecture sera terminée. Celui qui lit doit être disponible pour creuser en profondeur : dans le style complexe qui parfois semble brider, qui donne envie de s’affranchir. Puis on continue à lire, à sonder le fond, sans aucune légèreté. Il faut être concentré et se rendre disponible pour le passage d’un bord à l’autre, du réalisme à la vision.
J’ajoute une remarque légère, j’espère que l’auteur et les lecteurs ne m’en voudront pas. La couverture de l’édition italienne du livre représente l’œuvre de Mario Sironi. Elle s’intitule Il Pescivendolo (Le Poissonnier) et elle est appropriée et cohérente, ainsi que très belle, selon moi. Cela aide à se plonger dans l’ambiance de l’histoire. Par ailleurs, la photo de l’auteur, Matteo Nucci, est réalisée par le photographe Lorenzo Pesce (littéralement, « Poisson »). Je crois qu’il s’agit d’une coïncidence, ou bien d’un exemple de cohérence totale. De la première à la quatrième de couverture.
Traduction par Marta Somazzi
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