Tomàs, d’Andrea Appetito

« J’espérais qu’au-dessous de moi s’ouvrirait un gouffre, un Enfer où me cacher et d’où je renaîtrais plusieurs générations plus tard. »

« J’espérais qu’au-dessous de moi s’ouvrirait un gouffre, un Enfer où me cacher et d’où je renaîtrais plusieurs générations plus tard. »

 

tomÖs-copertina-bigTomàs

Dans une ville au bord de la mer, le rêve d’un autocrate ambitieux et sans scrupules est sur le point de se réaliser. L’apparition d’un mystérieux navire marque le début d’une vague de violences qui secoue la ville jusqu’à sa destruction. Sept personnages en racontent les derniers événements de différents points de vue. Ce que tous ont en commun, c’est leur rapport avec Tomàs, un jeune homme disparu juste après l’apparition du navire. Tomàs est la pièce manquante d’une intrigue qui implique le passé de l’autocrate et le groupe de ses opposants. À l’arrière-plan, l’histoire d’un amour perdu aux conséquences malheureuses…

Voici un extrait du roman :

 […] La colline, au nord de la Ville, était l’endroit préféré de Tomàs. En hiver, elle était dépouillée et glissante. En été, elle se recouvrait de chardons. Et il y avait toujours du vent. Le long des chemins abandonnés, nous rencontrions souvent des faisans et des lièvres. Parfois des sangliers, qui sortaient du bois à la recherche de nourriture. Lorsqu’on était enfants, nous allions avec Elias, le père de Tomàs. Il savait un tas de choses sur les herbes sauvages et sur les animaux. Surtout sur les martinets noirs. Il s’asseyait sur une couverture en laine et il les observait pendant des heures entières. Il aimait les regarder voler. Là-bas il y a beaucoup d’oiseaux. Disait Elias. Mais seuls les martinets noirs ne touchent jamais le sol et, pour décoller, ils se laissent tomber dans le vide. De temps en temps Tomàs s’asseyait à côté du père. Alors je restais à l’écart et je les regardais. J’étais jaloux et j’enviais cet amour-là.
Lorsque Tomàs avait dix ans, son père mourut. Tomàs et Anita, sa mère, déménagèrent dans le Ghetto. Un quartier périphérique moderne, mais déjà vieux. Il y avait de grands bâtiments tous pareils, construits sur la colline, sur une vieille carrière pozzolana. Tomàs et Anita habitaient un petit appartement près de la zone électrifiée qui entourait la partie haute du quartier. Là-bas la vie coûtait moins cher. Avant ça, moi et Tomàs, on ne s’était jamais séparés. Mon père et Elias étaient frères. Ils travaillaient dans le port pour la même coopérative. Nos familles vivaient ensemble, dans un vieux bâtiment au bord de la mer. Après la mort d’Elias, nous aussi, nous déménageâmes, mais nous allâmes vivre dans le Centre. Presque toutes les fins de semaine, je me rendais chez Tomàs. Je montais dans le tramway qui avait pour terminus le Ghetto. Il grimpait le long d’une voie étroite et raide. À un moment donné, on voyait la mer au-dessus des murs blancs des anciennes maisons coloniales. Cette énorme étendue d’eau m’angoissait. Elle paraissait hors du temps. Toujours identique. L’été et l’hiver. Une barrière insurmontable, comme mon père. Tomàs, au contraire, aimait ça. C’était peut-être la mer elle-même qui alimentait son désir de s’en aller […].

Traduction de Marta Somazzi

Andrea Appetito, La Bibliothèque italienneAndrea Appetito (Roma, 1971) est professeur de philosophie et d’histoire dans un lycée de la province de Rome.

Il a publié Cluster Bomb (Altrastampa edizioni, 2002) et a participé à un recueil de nouvelles sur la ville de Rome intitulé Allupa allupa (DeriveApprodi, 2006). Il a écrit L’Eredità, une pièce de théâtre traduite en portugais et jouée à Rio de Janeiro (2006). Il a réalisé des courts-métrages avec Christian Carmosino, ainsi que le film documentaire L’Ora d’amore, présenté au 3e Festival International du Film à Rome (2008). Avec Gianluca Solla, il a écrit Senza nome, un essai bref qui a été traduit en espagnol et publié dans le livre collectif El impasse de lo político (Bellaterra, 2011). Il est l’auteur, avec Cosimo Calamini et Christian Carmosino du scénario Emma e Maria, finaliste du prix Solinas (2014). Il a participé à l’anthologie Sorridi : siamo a Roma (Ponte Sisto, 2016).

 

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