Avant tout, se poser les bonnes questions, de Ginevra Lamberti
Un beau roman de la rentrée 2017
par Giuditta Casale
Dans Avant tout, se poser les bonnes questions (La questione più che altro) Ginevra Lamberti trompe le lecteur par son écriture pleine de verve, par le martèlement du rythme, par l’ironie insolite. On s’attend à une lecture légère, amusante, parfois mélancolique ; au contraire, elle nous émeut et nous séduit grâce à sa protagoniste et à son monde affectif.
« La génitrice », « le géniteur », « la grand-mère qui vient du Sud » et « celle du Nord », jusqu’à la personne ambiguë du « grand-père du Sud » : le lecteur est d’abord rassuré, car il est sûr que ces dénominations aseptiques et froides ne conquerront pas son cœur, ni ne l’écraseront jusqu’à lui faire éprouver de la douleur physique. Voici la ruse de l’écrivaine. Pas à pas, éloignés par le martèlement de l’écriture et par l’originalité naturelle et fraîche du regard, ils deviennent des personnes familières, avec qui le lecteur solidarise et chez qui il reconnaît des côtés intimes et authentiques de lui-même ; jusqu’à souffrir avec eux de la perte, la disparition et la maladie, sans pourtant perdre le sourire ou la légèreté éprouvée pour le tableau d’ensemble.
Enfin, il reste au lecteur le sentiment agréable de ne pas savoir s’il faut rire ou pleurer, tout en étant conscient d’avoir vécu les pages de Ginevra Lamberti.
Il s’agit d’un roman composite et stratifié, d’autant plus que la langue et le style lui donnent de la solidité et de l’harmonie. Les thématiques en question sont nombreuses, allégées par le regard éloigné et hilarant de la protagoniste : le travail, les études, les amis, la vie en province, Venise, mais surtout les sentiments, la relation entre parents et enfants, les malentendus et les réconciliations, les analogies et les différences. C’est aussi un roman d’apprentissage, où l’on ne trace pas une ligne, mais plutôt un cercle où tout change et tout revient. Autour de la protagoniste et de sa famille, une société boulimique et superficielle, faussement engagée et trompeuse, où les jeunes gens ne peuvent que flotter, dans l’espoir de ne pas se noyer.
Si Ginevra Lamberti aime décrire le côté grotesque de ses personnages, l’effet obtenu est celui d’une plus grande adhérence au réel. Les personnages deviennent abstraits et grandissent à la hauteur de leur unicité, d’autant plus que la couche indélébile de la vérité est découverte et emporte le lecteur, en lui faisant éprouver la force de leurs personnalités dans la fragilité de leur vie.
La question essentielle, c’est que je ne sais pas comment vivre, pense la protagoniste, pendant que le lecteur vit avec elle, et avec elle épreuve l’inconsistance de certains phénomènes, la vacuité de beaucoup d’expériences, contre la force des relations et des sentiments.
LAMBERTI, Ginevra, Avant tout, se poser les bonnes questions,traduit par Irene Rondanini et Pierre Bisiou, Le Serpent à Plumes, 2017, 192 p.
LAMBERTI, Ginevra, La questione più che altro, Nottetempo, 2015, 203 p.
Tradution par Marta Somazzi
Cet article est disponible en version originale sur le site Giuditta legge
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