Les quinze mille pas, de Vitaliano Trevisan

Dans une ville du nord de l’Italie, un narrateur essaie, sans l’aide de l’instrument précieux que serait un compte-pas, de s’orienter dans la pensée, dans la vie, dans sa tête. C’est sa condition pour ne pas mourir.

Par Miranda Martino

Les quinze mille pas, de Vitaliano Trevisan, La Bibliothèque italienneVitaliano Trevisan est un écrivain réservé et fuyant et, alors que je relis ses livres, je pense à ma bibliothèque et je m’aperçois que j’aime lire de tels écrivains.

Je les choisis, car malgré leur caractère peu liant, j’ai l’impression que leur écriture regarde droit dans les yeux. Cela m’est arrivé avec Les quinze mille pas   (I quindicimila passi) sorti en Italie en 2002, et qui a gagné  le Prix de la revue Lo Straniero.

Ce roman prend la forme d’un compte rendu racontant une partie d’un trajet ; en effet, nous accompagnons le protagoniste, Thomas Boschiero, chez le notaire. Boschiero note sur un carnet le nombre de pas qu’il accomplit chaque jour. De cette façon, le lecteur traverse la ville de Vicence, ainsi que l’histoire personnelle du protagoniste. Dans le dénombrement des promenades, le nombre de pas à l’aller ne correspond jamais à celui du retour. Jusqu’au jour où la visite chez le notaire compte précisément quinze mille pas, aller et retour. Il suffit de lire l’incipit pour comprendre que ce trajet, bizarrement équilibré, est différent de tous les autres. En effet, il s’agit d’un parcours mouvementé, non pas d’une promenade. L’élément-clé est la présence d’une sœur qui a été déclarée morte. C’est pour cette raison qu’il a pris rendez-vous chez le notaire : pour formaliser les démarches concernant l’héritage.

I quindicimila passi, Vitaliano Trevisan, La Bibliothèque italienneBoschiero est seul au monde : d’abord orphelin de ses deux parents, puis abandonné même par sa sœur. L’histoire embrouillée de sa famille ne se résoudra qu’à la fin de ce roman noir, qui s’avère être en même temps un compte rendu et un roman policier ; les définitions sont nombreuses et aucune ne conviendrait parfaitement.

La redondance de la langue crée une répétition obsessionnelle qui entraîne les pensées névrotiques du protagoniste. On a la sensation d’écouter les pensées d’un esprit tordu, malsain, qui habite un milieu qui est à son tour nocif. Le nord-est qui nous est raconté par Trevisan est oppressant, avec ses hangars et son urbanisation abusive.

Sur le site de la maison d’édition italienne, Einaudi, ce roman a été défini une « ghost story ». Les quinze mille pas est une réflexion sur la disparition et sur le disparu, où différentes histoires se croisent, comme les souvenirs d’enfance, qui mènent le lecteur à la découverte d’un monde catholique hostile, dominant et dangereux.

 

Traduction par Marta Somazzi

 

TREVISAN, Vitaliano, Les quinze mille pas, traduit par Jean-Luc Defromont, Verdier, 2006, 122 p.

TREVISAN, Vitaliano, I quindicimila passi, Einaudi, 2002, 156 p.

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