Conversation avec Paola Ciccolella, directrice de l’Istituto Italiano di Cultura de Marseille

Une conversation avec Paola Ciccolella, directrice de l’Institut Italien de Culture de Marseille

Par Carlotta Galimberti

Aujourd’hui l’Italie est vue comme un pays désirable pour les migrants, mais il ne faut pas oublier que la situation a longtemps été inverse : notre pays a une forte histoire d’émigration, surtout pour des raisons économiques. C’est donc pour maintenir un lien avec les citoyens émigrés, en plus de raisons diplomatiques, qu’on a lancé en 1926 la création des Instituts italiens de Culture à l’étranger. Il s’agit – selon leur définition officielle – de lieux « de rencontre et de dialogue pour les intellectuels et les artistes, pour les Italiens à l’étranger et pour n’importe qui désire cultiver un rapport avec notre pays ».

On a eu la chance de converser avec Paola Ciccolella, la directrice actuelle de l’Institut italien de Culture de Marseille (ou IIC) pour en apprendre davantage sur ces organismes.

Pouvez-vous raconter à nos lecteurs ce que fait un Institut de Culture, quelle est sa mission ?

Un Institut italien de Culture s’occupe essentiellement de promouvoir et de diffuser la culture italienne à l’étranger. Dans ces macro-activités les fonctions sont très variées et elles peuvent souvent être différentes selon le pays où se trouve l’Institut et évoluer pendant le temps. Par exemple, par le passé l’Institut italien de Culture avait la tâche de fournir des renseignements aux étrangers qui les demandaient. Des renseignements sur l’instruction, les bibliothèques, les institutions culturelles. De nos jours cette fonction informative est moins importante, étant donné que repérer les informations est devenu facile grâce au web.

L’Institut de Marseille a été fondé en 1951 et son histoire est notamment liée au bâtiment qu’il occupe.

Oui, en effet, l’Institut italien de Culture de Marseille occupe un siège très renommé : il se trouve dans une section de l’ancienne Casa d’Italia, qui fut construite en 1935 sous le régime de Mussolini pour donner un point de repère aux Italiens émigrés à Marseille, qui à l’époque étaient environ 120 000. Son architecture de type monumental-rationaliste est marquée par le style de cette période. Le fascisme pensait aussi en faire un instrument de propagande pour le régime, comme c’est expliqué dans le beau documentaire d’Alessandro Gallicchio et Stéphane Mourlane qu’on peut regarder sur notre compte YouTube et notre site internet. Le siège de l’Institut, qui a été classé comme bâtiment d’intérêt par la France, héberge aujourd’hui un groupe de recherche composé par des historiens et des historiens de l’art.

En dépit de la composante négative véhiculée par le régime fasciste qui a impliqué notre pays dans la guerre du côté de l’envahisseur, la structure architecturale est vraiment solide et esthétiquement intéressante : notre Institut a un étage avec des bureaux, une bibliothèque et des salles de cours et un autre étage avec une salle pour des expositions, un couloir avec des vitrines et une salle multifonctionnelle où nous avons la possibilité d’organiser des rencontres, des conférences et, avec certaines précautions, même, des concerts, des pièces et des projections cinématographiques.

La bibliothèque de l'Institut Italien de Culture de Marseille

La bibliothèque de l’Istituto Italiano di Cultura

Il y a 83 Istituti Italiani di Cultura dans le monde, dont quatre en France. À l’aune de votre expérience comme directrice des Instituts de Séoul, Zagreb et Varsovie, croyez-vous que cette abondance dépende d’un rapport particulier entre la France et l’Italie ou s’agit-il d’une simple question de voisinage géographique ?

En fait, ils étaient six en France : les Instituts de Lille et de Grenoble ont été fermés. En général il y a plus d’Instituts en Europe que sur les autres continents, en raison, je pense, d’une plus grande facilité à trouver du personnel, mais aussi parce que les rapports avec les pays européens ont été consolidés depuis longtemps. En ce qui concerne la France, cela s’explique surtout par le voisinage, par les implications culturelles entre les deux pays qui sont vraiment vastes et par l’importante émigration des Italiens vers la France au cours du XXe siècle.

Les autres Instituts en France sont à Paris, Lyon et Strasbourg. Ce sont quatre villes profondément différentes, est-ce que leurs caractéristiques spécifiques ont un impact sur les types d’activités menés par les Instituts ?

C’est possible, les activités dépendent parfois des institutions locales avec lesquelles nous avons des accords ou des coopérations culturelles que nous établissons. Notre zone de compétence est très large et concerne surtout des pays qui regardent la Méditerranée, Marseille est une ville très méditerranéenne et donc je dirais que nos activités sont différentes de celles des Instituts de Lyon, Strasbourg et Paris, même si Paris est une grande capitale et peut donc organiser tout type d’événement.

Quelles sont vos principales activités à Marseille ?

Nous proposons des cours de langue et de culture italienne avec des enseignants natifs, nous sommes un site pour les examens de certification de langue CILS, nous organisons des événements culturels et nous coopérons avec plusieurs institutions culturelles situées dans notre large zone de compétence qui s’étend de Nice à Bordeaux (festivals, musées, galeries, théâtres, municipalités, etc.).

Comment sont gérées les relations avec les autres organismes du territoire ? Avez-vous des collaborations plus ou moins établies avec d’autres institutions ?

Depuis quelques années l’IIC et le Consulat général d’Italie collaborent avec la mairie d’Avignon pour une semaine italienne à Avignon. Dernièrement on a collaboré et on continue à collaborer avec le Mucem et le ZEF de Marseille. On a de très bonnes relations avec Aix-Marseille Université, avec les universités de Montpellier et de Toulouse. On collabore avec certains festivals de cinéma italien sur le territoire : Ménerbes, Toulouse, Bastia, Nice. On a collaboré avec le Festival OVNI de Nice et cela a été une expérience incroyable.

Pour revenir au véritable cœur de vos activités, quel espace occupe la littérature dans l’Institut ? Y a-t-il une différence par rapport aux autres arts dans la réception du public ? Est-ce qu’il y a un auteur qui a particulièrement captivé l’attention ou l’amour (deux réactions non nécessairement liées entre elles) du public français ?

La place de la littérature est significative, même s’il n’est pas toujours facile d’obtenir du succès avec une discipline qui souvent présuppose une connaissance de la langue de notre pays.

L’année dernière nous avons beaucoup travaillé sur Dante Alighieri en raison de son septième centenaire.

Illustration de Manuele Fior pour Drawing Dante

Manuele Fior pour l’exposition « Drawing Dante »

Nous l’avons fait de façon diversifiée : la présentation d’une nouvelle traduction, une rencontre autour de sa biographie, une conférence sur sa relation avec Saint François et une exposition de bandes dessinées et illustrations inspirées à La Divine Comédie. Pour ce dernier événement nous avons rencontré un grand succès, en particulier auprès des jeunes des écoles. Nous avons également hébergé l’une des illustratrices, qui nous a raconté ce qu’elle a décidé de représenter et pourquoi.

Avec la lecture il faut toujours inventer quelque chose, parce que parfois les simples présentations de livre ne suscitent pas assez d’intérêt.

Quel est votre rapport au public ? Quel taux de participation ont les événements d’une institution comme la vôtre ? Avez-vous mis en place des stratégies particulières pour attirer un plus grand nombre de personnes ?

Nous avons un public fidèle, mais aussi un public qui vient parce qu’il est intéressé par un événement spécifique. De nos jours il est difficile de capter l’attention parce que nous faisons tous les mêmes choses : nous avons comme les autres un site web, une page Facebook, Instagram, Twitter et un compte YouTube où on peut trouver des matériaux très intéressants. Depuis quelque temps nous réalisons de courts films pour pouvoir conserver des témoignages en petit format, qui pourraient intéresser les visiteurs de notre site et de nos réseaux sociaux. En définitive, la communication de notre Institut doit devenir un événement qu’on peut consommer à distance (dans le temps et l’espace).

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