Scorporare, de Franco Costantini

Un recueil de fragments lyriques quotidiens, métaphysiques et politiques.

Itinéraire de connaissance entre les images, Scorporare est un dialogue amoureux ininterrompu, un recueil de fragments lyriques quotidiens, métaphysiques, politiques, qui scandent le temps d’une attente infinie et incomprise. Marqué par les thèmes du contemporain, le recueil interroge la réalité pièce par pièce, en essayant de transcrire ce qui est caché sous le voile des mots, d’opposer à l’angoisse paralysante une volonté de révolte.
La poésie est peut-être la dernière forme possible d’herméneutique ; si le monde est un livre, Scorporare est l’œuvre d’un copiste enfermé et obstiné.



EXTRAIT TIRÉ DE LA SECTION “AU LAC”



Les pédalos ne laissent aucune trace,
de même chacun de nos labeurs sur le monde. Tout est stable.
Les barques se font rares sur le lac.
Le monde ne finira pas encore ce soir.
 
*
 
Dieu-ruisseau, inlassable, tenace
Dieu de clochettes, imprésario
généreux, je me suis entiché
de ta gorge muette.
 
Dieu de laiton opalescent
             et de topaze.
 
Avec ton corps pointu de marionnette,
ta visière de touriste américaine,
tes larmes comptées
depuis le commencement,
soumises sur tes joues,
au nombre limité.
 
*
 
La famille indienne sur le pédalo
à toboggan
les immanquables Allemands,
les Français ou les Italiens
toujours plus beaufs,
les avides Hollandais, les Danois,
fuyants,
la location de bateaux avec les jeunes du coin, les fillettes avec des seins
et des portables d’ados,
les congrès au bord du lac des hirondelles toujours plus désertés,
d’année en année,
malgré la bonne volonté des organisateurs,
le ciel fixe, ni trop
haut ni trop bas, juste assez
bleu, léthargique.
Le plan incliné de l’histoire.
Ce soir sous le Charriot
nous cherchons, de passage,
une comète.
 
*
 
Penser Sisyphe heureux,
se figurer
plaisir et désir encordés,
une via ferrata
à l’ombre et incontournable,
 
et une montagne circulaire.
 
*
 
En 8886 elle repassera
cette comète
la même qu’on aperçoit
brouillée sous le Charriot,
la queue peignée,
du Soleil à l’ouest.
Des avants-postes saturniens
stations-service
pour sondes décrépies
elle aura l’air d’une virgule,
congelée dans l’espace,
le virage figé
d’une hirondelle au moment de l’alarme
prise au dépourvu d’un éblouissement
stupéfaite
laquée de mémoire
rétroviseur étincelant
dans un cadran azur,
 
comme nous ce soir.
 
 

Traduit de l’italien par Emma Ayasse.



COSTANTINI, Franco, Scorporare, Transeuropa, 2021, 64 pages


Franco Costantini est né à Gênes en 1990.

Il a vécu et étudié la littérature ancienne et moderne à Gênes, Séville, Bologne, Salonique, Strasbourg.
Agrégé d’italien, chercheur en littérature italienne à la Sorbonne, il vit et travaille à Paris depuis six ans.
Il a publié des poèmes dans plusieurs revues italiennes et françaises.
Scorporare est son premier recueil édité.





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